Les
"consumer magazines" ont le vent en poupe
Que
peut faire une entreprise ou une organisation qui a un tas
de choses à dire, qui veut construire ou promouvoir
son image, qui veut établir un lien avec ses clients
ou ses membres et qui ne tient pas particulièrement
à retrouver un annonceur concurrent à la page
suivante? La réponse est vite trouvée: elle
crée son propre magazine.
Journaux
destinés aux membres d’une association ou aux
clients d’une société, revues professionnelles,
magazines internes des entreprises et des clubs, newsletters,
journaux du personnel, magazines émis par les autorités...
Que de choses sont écrites, imprimées et distribuées
dans notre pays! On finirait presque par se demander qui lit
tout cela. Il est pourtant indéniable que toutes ces
publications remportent un grand succès. On assiste
bien souvent à de vives réactions au sujet des
bons de réduction et des nombreuses offres promotionnelles
reprises dans un grand nombre de ces revues et journaux.
Est-ce
la seule raison qui explique la forte progression des "consumer
magazines" au cours de ces dernières années?
Pas du tout. La principale raison est qu’on peut y retrouver
toute une série d’informations intéressantes.
Gerrit Tulkens, co-fondateur de l’agence Propaganda,
qui s’occupe de la réalisation de magazines, explique:
"Le principal avantage d’un format magazine est
que l’on peut combiner différentes approches.
On peut construire une image, apporter des explications ou
des commentaires, annoncer des actions promotionnelles et,
à condition de disposer d’une base de données
assez importante, on peut même travailler au cas par
cas. Bref, il s’agit véritablement d’un média
permettant d’avoir recours à toutes sortes de
techniques simultanément." La revue de consommateurs
constitue donc un canal de communication complet. Ce succès
croissant s’explique aussi, toujours selon Gerrit Tulkens,
d’une autre manière. "Nous avons relevé
un phénomène assez particulier, ajoute-t-il.
Il y a cinq ans, les annonceurs accordaient, généralement,
peu d’attention à ce média. Aujourd’hui,
la tendance s’est bien inversée et ils s’y
intéressent de plus en plus. Pourquoi? Les décisions
concernant les spots télévisés ou les
annonces publicitaires sont, de plus en plus, prises au plan
international. Par contre, pour ce genre de publications,
tout peut se faire à un niveau local. Dans un budget
de communication global, un consumer magazine ne représente
pas grand chose. Pourtant, on constate, entre autres pour
cette raison, qu’ils sont de plus en plus prisés.
Pour nous, cela constitue un développement positif."
Et pour rester dans le positif, signalons que Propaganda affichait
l’année dernière un chiffre d’affaires
de 133 millions de francs (contre 13 millions en 94, année
de sa création). Et sans frais de port, étant
donné que les clients paient eux-mêmes leurs
timbres-poste. Peut-être aurions-nous dû appeler
cet article "Le décollage des consumer magazines".
NE PARLONS
PAS TROP VITE DE MAGAZINES COMMERCIAUX !
Jusqu’à
il y a peu, nous pensions, probablement comme vous, que ces
publications étaient considérées comme
des magazines commerciaux. Eh bien, ce n’est pas le cas.
Un directeur néerlandais de Media Partners, un grand
nom dans le secteur européen des consumer magazines,
l’a un jour expliqué lors d’une interview:
"Le terme de magazine commercial ne convient pas pour
deux raisons: à cause des mots ‘commercial’
et ‘magazine’. Dans la plupart des cas, ces publications
ne sont pas sponsorisées. Bien souvent, c’est
le client qui paie, mais ce n’est pas toujours le cas.
Je préfère parler de ‘magazine de contact’
ou, comme disent les Anglais, ‘consumer magazine’."
Karin Vanhoof représentant B.I.C. (Business Information&Communication),
l’agence qui a repris récemment ‘Making Magazines’
(Gand), nous a gentiment mais fermement conseillé de
faire attention au terme ‘magazines commerciaux’
pour parler des ‘consumer magazines’. "Selon
moi, ce terme ne convient pas du tout car il ne reflète
pas la réalité. Un véritable magazine
sponsorisé est une publication dont l’éditeur
n’est pas responsable, qui est distribué gratuitement,
reprenant des publicités d’autrui mais qui ressemble
à un magazine. Les autres types de publications sont,
selon moi, des journaux destinés aux membres ou aux
clients, des revues professionnelles ou des journaux internes."
Ainsi, B.I.C. publie, entres autres choses, des revues professionnelles
pour les agronomes, les scénaristes ou pour les exploitants
de baraques à frites; des journaux pour les clients
de constructeurs automobiles, d’entrepreneurs de construction
ou d’une société de location; des journaux
d’adhérants pour menuisiers, cyclistes ou dentistes
ainsi que le journal du personnel d’une banque, de toutes
sortes d’entreprises chimiques et d’un fabricant
de machines à laver. Ne voit-on plus du tout de magazines
commerciaux? Bien sûr que si. Récemment, un bel
exemple a été donné par le journal Smakelijk
Meegenomen, distribué gratuitement par Koncept. L’idée
de base de cette publication, c’est que les jeunes cuisinent
de moins en moins, ce qui est naturellement dangereux pour
des marques telles que Fama, Bosto et Marie Thumas. L’agence
Koncept a donc créé un journal rassemblant une
dizaine de marques de produits alimentaires et reprenant des
recettes basées sur ces différents produits.
Cette revue est financée par des publicités
de ces mêmes produits. Fin janvier est paru le premier
numéro, tiré à 1 million d’exemplaires.
C’est également Koncept qui a lancé Creative
Keuken de Solo, une publication que Gerrit Tulkens qualifie
de "grand classique" dans le domaine des magazines
commerciaux en Belgique qui est, d’ailleurs, encore distribué
chaque mois à quelques milliers d’exemplaires.
Cette revue est, depuis lors, éditée uniquement
par Solo.
PUBLICITE,
MISE EN PAGE ET REDACTION : TOUT-EN-UN
Lorsque
nous avons travaillé à la préparation
de cet article, nous nous sommes rendus compte de trois choses.
Tout d’abord, on constate qu’il y a assez peu d’agences
en Belgique réellement spécialisées dans
la conception de magazines. Par ailleurs, le marché
offre encore un potentiel intéressant. Enfin, la conception
de magazines est véritablement un travail de spécialistes.
Ne vous risquez donc pas à les considérer comme
des agences publicitaires... Propaganda, une agence totalement
consacrée à la création de magazines,
occupe 25 personnes pour 25 clients et publie une trentaine
de magazines dont le tirage varie entre 600 et 450.000 exemplaires.
Parmis ces collaborateurs, huit ont le titre de coordinateurs
de rédaction. "Ils portent trois casquettes explique
Gerrit Tulkens. Ils sont responsables de la publicité
et, à ce titre, gèrent les relations avec les
clients. Ils sont rédacteurs en chef de la publication
et doivent donc trouver des idées et évaluer
les articles des rédacteurs free lance. Ils doivent
aussi, en tant que rédacteurs en chef, résumer
les textes et modifier ou ajouter les titres si nécessaire.
Etant donné que nous devons toujours tenir compte d’objectifs
en termes de marketing et que nous mettons l’accent sur
le contenu rédactionnel, cette manière de travailler
est indispensable."
Twogether&Partners, un autre
bureau spécialisé dans les magazines (Kiosque,
Kiosk Antwerpen et Thalyscope, pour n’en citer que quelques-uns)
va même encore plus loin. Certains rédacteurs
en chef s’occupent même de la mise en page. "Ce
qui nous différencie d’une agence publicitaire,
c’est que nos articles sont écrits par de véritables
journalistes commente Damien Van Heuverzwijn, son directeur.
Il ne faut pas confondre concepteurs-rédacteurs publicitaires
et journalistes. C’est pour cela que nous collaborons
surtout avec des spécialistes de culture, d’agriculture
ou des finances capables de rédiger un article. Ces
textes sont alors, si nécessaire, retravaillés
et mis en page par le même rédacteur en chef.
Grâce à cette méthode de travail, nous
pouvons garantir une flexibilité indispensable dans
ce secteur." Un nouveau métier est donc en train
de naître: chef de la publicité-rédacteur
en chef-DTPiste: trois en un! D’après Damien Van
Heuverzwijn, un bel avenir attend les personnes capables de
combiner toutes ces fonctions.
Autre élément
qui nous a particulièrement frappé: ces créateurs
de magazines sont des gens passionnés qui n’ont
pas peur de prendre des risques pour vivre pleinement leur
passion, à savoir créer un journal. Kiosk et
Thalyscope sont deux publications entièrement gérées
par Twogether, ce qui signifie qu’ils s’occupent
même de la publicité et en supportent les frais.
Récemment, Gerrit Tulkens (Propaganda) a mis sur pied,
en collaboration avec trois partenaires, la maison d’édition
Himalaya. Leur premier magazine s’appellera Grande et
devrait être lancé fin septembre. Il s’agit
bien là d’un "vrai" magazine, pas un
magazine de contact ou un consumer magazine.
LE CONTRASTE
NORD-SUD
Media
Partners est considérée comme la plus importante
société d’édition de consumer magazines
sur le plan européen. Cette entreprise est implantée
en Suède, au Danemark, en Angleterre, aux Pays-Bas
et en Belgique. Elle y publie environ 120 magazines pour près
de 80 clients. La plus importante de ces publications est
l’"in store magazine" de la chaîne de
grands magasins Albert Heyn aux Pays-Bas. Cette revue comprenant
144 pages est publiée 13 (treize!) fois par an à
près de 2.100.000 exemplaires. Elle est composée
pour moitié de textes rédactionnels, le reste
étant constitué de publicités. Elle est
mise gratuitement à disposition des clients dans les
magasins et représente aujourd’hui aux Pays-Bas
un concurrent sérieux pour les plus célèbres
magazines féminins. Nous avons interrogé Jef
Peeters, directeur de Media Partners Belgique, sur la raison
de la présence du groupe dans le nord de l’Europe.
"Tout simplement parce que ce média, le consumer
magazine si vous préférez, a plus d’importance
dans le nord de l’Europe. En outre, plus on descend vers
le Sud, plus l’éclatement est important. Il existe
un grand nombre d’intermédiaires: imprimeurs,
maisons de production, agences de pub. Dans le Nord, on trouve
de vrais spécialistes. En Angleterre surtout, on retrouve
quelques grandes maisons d’édition de consumer
magazines ou, comme on les appelle là-bas, des ‘consumers
publishers’. Les
médias de contact prennent souvent la forme de magazines
mais il peut aussi s’agir d’un CD-Rom, d’un
site web ou d’un rapport annuel."
Media Partners
publie en Belgique une dizaine de magazines de ce type dont
le Golden Club du groupe Fortis, envoyé quatre fois
par an aux 400.000 membres du club. L’agence n’est
composée que de cinq collaborateurs. Jef Peeters ajoute:
"En effet, nous travaillons principalement avec des équipes
free lance. En interne, nous développons les concepts
de marketing et de communication mais le contenu nous est
fourni par des journalistes." Media Partners Belgique
s’occupe des médias "relationnels",
entre autres, pour Fortis, Bets Foods, KPN Belgium, le Crédit
Agricole, La Loterie nationale, Royal&Sun Alliance et
la ville d’Anvers. Convaincu(e)? Vous souhaitez aussi
vous lancer dans ce marché très prometteur?
Nous conclurons donc par quelques conseils avisés de
Damien Van Heuverzwijn. "L’essentiel est de faire
preuve d’un peu de subtilité. Dans certains consumer
magazines, la publicité occupe une place trop importante,
décourageant ainsi le lecteur. Un modèle intéressant
à suivre est le magazine de la Fnac en France. C’est
un vrai magazine life style, un excellent média pour
présenter les produits et les services de la Fnac,
sans pour autant paraître trop ‘publicitaire’."
Dernière recommandation: collaborez avec de vrais journalistes
et laissez faire votre chef de la publicité-rédacteur
en chef-DTPiste!
Marc
Van de Velde
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